lundi 24 août 2015

La confiance

Juste sous ma fenêtre au Cube, un lampadaire. Cet arbre à côté, que je vois grandir depuis des années, mourir chaque hiver, renaître chaque printemps. Il me redonne la foi quand j’en manque en me montrant du doigt : l’univers.

Depuis ce matin, je regarde ce couple de gros pigeons ramiers mouillés par la pluie d’août se serrer sur une branche de l’arbre, plongeant de temps en temps la tête dans leurs plumes pour se nettoyer. Leur duvet a l’air moelleux. Je suis d’humeur à habiter sous leurs ailes. Bercée par la tempête. Entourée de douceur.

Un autre pigeon se pose sur le lampadaire. Le mâle aussitôt descend lui montrer qu’il est chez lui. A grands coups d’ailes. Un combat des chefs. Puis, vainqueur, il retourne sur l’arbre, mais pas sur sa branche. Plus bas.
La femelle s’est assoupie toute seule au-dessus. Peut-être qu’elle n’a pas besoin de l’avoir près d’elle pour savoir qu’il est là et qu’il la protègera toujours. Peut-être qu’elle n’a pas besoin d’être protégée.

Je voudrais être cet oiseau. Petits yeux clos, tête repliée sur mon dos gris, ne doutant de rien, faisant confiance à l’arbre, au vent, à la pluie, au mois d’août, et bientôt à septembre.
Faisant confiance à l’univers, absolument.




mercredi 7 janvier 2015

Quinze



Ce matin Paris a disparu dans la brume.
Il ne reste plus aucune trace de 2014.

Janvier a repris le pouvoir, engorgé de givre et de résolutions.

Dimanche dans le train pour aller voir Stéphane je fais une crise de tétanie. Je la sens venir de loin. La nausée, la peur, le corps qui lâche.
Je regarde dehors le paysage qui va vite en me disant que je suis à l’abri de tout, mais ça ne change rien.
Je respire tranquillement, mais ça ne change rien.
Le galop des fourmillements envahissent tout le corps. Je m’allonge et je perds connaissance.

A mon réveil je n’entends plus. On a mis quelque chose sous ma tête, mon manteau sur moi comme une couverture. Mes mains ne sont plus que des poings, je ne peux pas les desserrer. Quelqu’un me caresse les cheveux gentiment. Je ne sais pas qui c’est. Le train continue de rouler. Je voudrais rester longtemps comme ça, à moitié vivante mais rapide sur le monde, et cette main dans mes cheveux.
Quand je finis par entendre quelque chose, c’est la voix de la personne qui me protège. C’est une jeune femme. Elle me dit que tout va bien se passer. Elle est si sûre d’elle que je la crois. Je garde les yeux fermés. Je veux rester comme ça. Longtemps. Toujours. Que tout se passe bien. Longtemps. Toujours.

Quand le train arrive à destination, je vais mieux, et Stéphane m’emmène lancer du pain au canards.
On parle de mon livre qui sortira en avril. C’est un peu idiot sans doute mais je suis heureuse que quelque chose que j’ai créé existe vraiment. Je suis heureuse d’avoir fait ça de mes mains. - j’aurais dû être menuisier -
Au milieu des oiseaux et de la satisfaction, j’oublie l’angoisse du corps un moment. Un petit moment.



L’autre jour Honorine m’écrit "Tu es à part dans le monde des humains".
Caroline hier soir me dit quelque chose qui y ressemble.
Je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle.

J’en veux aux médicaments car ils fonctionnent. J’en veux aux médicaments car je n’ai plus peur de grand-chose, mais quand je vais devoir les arrêter, qui de moi ou de la petite fille de huit ans reprendra le pouvoir ?

L’une pleine de résolutions, l’autre couverte de givre.