vendredi 29 mars 2013

Deux fois mariés

Cette nuit dans un bar rue vieille du temple, un homme élégant avec un accent de tango et une rose rouge à la boutonnière nous a trouvé si amoureux Tigre et moi qu'il nous a mariés. Il a dit "j'en ai le pouvoir".
C'est la deuxième fois qu'on nous bénit dans un bar la nuit.

Nous sommes mari et femme d'ombre et d'alcool.

En guise d'alliance je porte le seul bijou qu'il m'a offert, un bracelet qui s'effrite, acheté l'automne dernier dans une église.
J'aime ce bracelet qui ne ressemble à rien. Et j'aime qu'on soit deux fois mariés en secret.

Le ciel se fait plus bleu chaque jour mais l'Hiver brûle encore.
Le corps a des envies de nu, des envies de peau, mais se retient.
Quand il aura le go, je ne réponds plus de rien.





lundi 18 mars 2013

Noah, etc...

Cette nuit Emma a donné naissance à un tout nouvel être humain. Un tout petit Noah. Elle m'écrit "ton neveu est né" car elle est comme une soeur.

Le froid norvégien fait place au pré-printemps. On met de petites robes et des bonnets. On marche pieds nus et on s'enrhume. Mais les couchers de soleil sont roses. On a la foi.

Il faut regarder les arbres. Eux, ils savent.

Quand je me plonge dans les yeux couleur-compliquée de l'homme que j'aime, toutes les choses du monde pointu s'arrondissent. Tout se remet à sa place, exactement, dans ses bras immenses. Et si je pleure un peu c'est que j'ai eu peur de perdre l'équilibre.

Il me rend heureuse. Il ne me croit pas toujours. Je me répète.

Tu me rends heureuse.
Heureuse.
Heureuse.

Je peux, si c'est ce que ça coûte, apprendre à vivre sans les larmes.

Je te jure, on s'y fait.

En tout cas, Noah, bienvenue dans tout ça.




mercredi 13 mars 2013

Dans les pas des loups

Paris sous la neige ne bouge plus et se tait.

J'aime les voitures qui roulent toutes ensevelies de poudreuse, elles me font penser à des entartés, humiliés, mais qui continuent d'avancer comme si rien ne s'était passé.

Hier soir sur le pont je me gèle dans la tempête mais il n'y a plus de bus je dois rentrer à pieds. Mes petites tennis ne me protègent de rien et je me souviens d'histoires d'alpinistes aux orteils noirs et qui tombent. Je sautille sur le trottoir. Je recule l'amputation.
Un grand type me dépasse et alors je me cale derrière lui. Heureusement il ne me voit pas, je le colle, je suis son ombre, je marche dans ses pas exactement, à la manière des loups qui, même en meute, ne laissent sur la neige que les traces d'un seul animal.
Il va vite et moi aussi. Nous filons rapides dans la ville jusqu'au moment où il tourne et moi pas.

Je ralentis.

A force de regarder le sol blanc et brillant, je découvre de nouveaux corps flottants. Je leur dis bienvenue. C'est toujours bien d'être moins seule.

J'écris des choses dans la neige. Je prends des photos. Je pense à des choses. Je ne pleure pas.
La magie de la neige fonctionne à chaque fois.
Quand le printemps sera là je m'émerveillerai des abeilles.
Pourvu que jamais je ne m'y habitue.