dimanche 6 mars 2016

Le prénom des jours

Après une nuit passée dans un rêve unique et fou, joyeux et terrible, je voulais faire quelque chose de bien de ma journée. J'avais fait une petite liste de choses à faire dehors.
Dehors: cet ennemi.
Mais le ciel noir et bleu, bataille des dieux, était d'une beauté infernale. J'avais presque envie de sortir. Et des choses à faire, donc, alignées griffonnées sur un bout de papier.

Mais, idiote, je me suis heurtée aux rideaux de fer du dimanche.
Stupide fillette qui du fond de sa caverne oublie petit à petit l'existence des jours.

Deux mois maintenant qu'on pourrait très bien être tout le temps jeudi, ou mardi ou un autre nom qu'on inventerait.
Les heures ce n'est pas mieux, le sommeil vient n'importe quand et repart trop longtemps, snobe les médicaments et s'engouffre dans les après-midi alors qu'on voudrait regarder tomber la neige. Ce n'est pas grave.
Ce temps m'est offert pour me réparer.
Alors, mon cerveau et moi, on bricole.


Comme le zoo se fiche du dimanche je vais voir pour la millième fois les animaux qui me réconfortent d'un seul mouvement de patte, de bec, de museau doux.

Joliesse des jaguars.
Joie jaune et noire.

Parfois devant leur beauté je me rends compte que j'ai arrêté de respirer.


En rentrant je casse ma dernière lampe et je me fais mal avec les morceaux.
Je ne sais pas pourquoi, mais je prends une photo de la coupure.
Et puis je la couvre de deux pansements, en croix, comme une blessure de dessin animé.

Je suis très maladroite et remplie de vertiges ces derniers temps. Ce n'est pas désagréable.

Je caresse Arthur le piano, je lui dis que je reviens, et puis j'oublie, et puis je suis fatiguée et puis je dors et puis je me réveille alors que d'autres se couchent, et je n'ai pas de lumière.

Demain, puisque ce sera lundi, j'irai acheter des ampoules pour redonner des ombres à ma caverne.
J'irai déjeuner avec des amis pour lui redonner des couleurs.
Je retournerai peut-être me coller contre la vitre des lions, entre trouille et tendresse.

Et puis j'oublierai de nouveau le prénom des jours, et je reprendrai mes petits outils pour me construire un peu moins bancale.






mercredi 6 janvier 2016

Seize

Gros nuages joufflus et coins de ciel bleu, températures au-dessus des normales, et l’humeur, par contre, qui rime avec janvier.
Je regarde le poisson rouge du Cube, qui semble tous les jours chercher la sortie de son cube à lui, tous les jours il essaie, et tous les jours ils se cogne. Il réessaiera encore demain et tous les jours d’après. Ça pourrait me rendre triste.

Je ne sais pas si je suis triste cette année. Evidemment ces derniers mois, je l’ai été, très, j’ai été très bas, très loin, très profond dans le noir.
J’ai été loin dans la peur et dans les angoisses.
Mais j’ai une Caroline qui m’écoute et me parle deux fois par semaine maintenant. Et un autre qui m’écoute et me parle moins, mais qui signe des ordonnances. Les médicaments pour aider à vivre.

Swan a eu un petit garçon. Elle n’arrive pas à l’aimer comme il faut. Ce sont des choses qui arrivent.
Parfois je la plains, parfois je lui en veux.
Quel âge aurait l’enfant aujourd’hui? Parfois j’y pense et parfois pas. Heureusement.

Cette nouvelle année ne peut pas être pire que la précédente.

Même si, en 2015 : j’ai pris l’avion et j’ai vu l’Italie.
J’ai passé Noël sur une île, seule et heureuse, presque.

Si beau, l’ocre et le bleu, le noir des roches et le bruit de la mer.
Le son de la solitude.

Ce petit lapin vivant, puis, plus loin, ce petit lapin mort.
J’ai cueilli une fleur jaune et je l’ai posée sur sa fourrure. C’était le jour de noël.
Le parfum de la solitude.

Je n’ai pas recommencé à écrire.
Ou alors je n’ai jamais arrêté.
Je ne suis pas retombée amoureuse.
Ou alors.